Reconversion pâtisserie

Une année pour tout changer; de RH à pâtissière

Cette année a été pour moi pour le moins mouvementée.
J’ai décidé de mon plein gré de ne pas sauter sur une poursuite d’étude après ma licence en ressources humaines, ne sachant pas ce que je voulais faire, et ayant “raté” le coche des inscriptions.
C’était sans compter également ma passion envahissante pour la pâtisserie.
Je me suis lancée dans un concours pour entrer dans une école pour me reconvertir, obtenir mon CAP et pouvoir vivre de ce joli métier.
Jamais je n’ai autant stressé que ce jour, où, après avoir révisé tout le programme du CAP, je me suis faite accompagner par ma meilleure amie. Jamais je n’ai autant eu peur de l’échec. En passant cette porte, en attendant seule, en voyant mes rivaux, la rage de vaincre, l’envie de toute détruire sur mon passage. Une tornade de motivation, un concentré de stress. Mon coeur battait tellement fort que je le sentais dans mes tempes.
Je me souviens de mon auto dérision dans la salle d’attente avant l’entretien, mais au fond de moi, je me pissais dessus.
Et en posant la main sur la porte de l’entrée de la salle, quand on est venu me chercher en annonçant mon nom, tout est retombé, d’un coup. “Au pire, je reviendrai l’année prochaine”. Pas fataliste, juste déterminée.
Et c’est comme si quelqu’un d’autre s’étais mis à parler pour moi. Ma passion, que j’avais tant de mal à expliquer, parlait d’elle-même, racontait avec ses mots l’amour qui nous liait, la volonté d’y arriver. Cette coquine a même réussi à faire de l’humour, bien réceptionné par un jury sympathique.
En sortant de là, je savais, mais je ne voulais pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. J’avais déjà échoué l’année précédente, et la remise en question est terrible.
Une semaine plus tard, un courrier me confirmait que j’étais une des heureuses élues.

Et depuis, c’est comme un compte à rebours. Comme si j’allais commencer une course, un défi. Celui de ne pas échouer ce pour quoi je me suis tellement accrochée. Ce pour quoi j’abandonne tout derrière moi. Un nouveau départ.
J’ai eu peur, peur de ne pas réussir à réunir l’argent pour payer ma formation, peur pendant un moment qu’ils se soient trompés de personne en m’envoyant mon courrier. Peur qu’ils ne reçoivent pas ma réponse, que la poste ait brûlé ma lettre, qu’un chien l’ait mangée.
Je suis tétanisée, à l’idée de me lever si tôt, par peur de ne pas suivre un rythme aussi contraignant, peur que ma passion me quitte, peur de faire le mauvais choix.
Mais la seule chose que je sais, c’est que si je n’essaye pas, je ne saurai jamais. Mieux vaut se rendre compte que l’on a fait une erreur que de se le demander toute sa vie.

Je laisse derrière moi un diplôme, le chômage. Les ressources humaines et leur manque d’humanité, leurs secrets de polichinel, leur lâcheté. La fonction toute entière est comme un rapace qui fonce sur les cadavres en décomposition. J’ai pourtant été dans une entreprise sympathique, mais je déteste ce métier. Je déteste les ambiances de bureau, les fonctions à responsabilité, qui te dévisagent quand tu oses porter de la couleur, quand tu n’es pas un bon petit soldat écervelé, qui avale les heures supplémentaires non payées sans rechigner.
Le monde du travail, en pleine décrépitude.
Diplômée, avec un bon niveau partout, sans faute de parcours, et alternante, je n’ai trouvé que des jobs complètement pourris et hors de mes compétences.
Ceci dit, mon diplôme ne m’a jamais vraiment appris le métier, lui qui se vantait d’être “professionnalisant”. La seule chose de professionnalisante qu’il avait, c’était notre moitié d’année en entreprise.
Personne ne pourra s’étonner ensuite que les seuls emplois auxquels on peut postuler sont dénués d’intérêt et de sens.

J’en ai fait des choses cette année, via mes agences d’intérim. J’ai fait de la saisie, deux mois. Une entreprise sympathique, qui me considérait comme une salariée à part entière. Fait rare quand on est intérimaire.
J’ai été assistante administrative. J’ai un bac+3 pour ranger des papiers dans un classeur, trier par ordre alphabétique. Assez bonne pour qu’on me propose un CDI en tant qu’assistante de commande. Dans une entreprise où le patron faisait passer ses humeurs sur les salariés, où on mangeait dans une pièce à 12 degrés parce que le patron éteignait constamment le chauffage. J’ai dit non merci et je suis partie sans regrêts.
J’ai eu l’immense privilège de travailler une journée dans un Camaïeu en tant qu’esclave. Ils m’ont même volé d’une heure de travail, ironique quand on sait que c’est eux qui m’ont suppliée de rester.
J’ai été embauchée pour un CDD parfait qui s’arrêtait pour me laisser deux semaines de vacances, dans une boutique que j’apprécie particulièrement. Mais la “responsable” a vainement tenté de me mettre une douille sur le contrat, heureusement que j’étais informée grâce à ma formation, j’ai claqué la porte au dernier jour de ma période d’essai.
Enfin, j’ai terminé mon année de récolte monétaire en faisant des travaux qui pourraient s’apparenter à de la saisie. Encore.

Et j’ai un bac+3, en Ressources Humaines.
Mais je ne vais pas me plaindre, j’ai travaillé. J’ai gagné de l’argent.
Si ma perspective avait été différente, j’aurais ruiné mon CV, perdu mes compétences. Et serais devenue inemployable avant même de l’avoir été un jour.
Je déteste la France et sa logique anti-mérite.

Entre temps j’ai tenté vainement de m’inscrire au chômage, mais bon, avec le pôle emploi de la ville dont je dépend, qui doit compter une majorité de chômeurs, je n’étais pas tellement prioritaire j’imagine, et quand deux mois et demie après j’ai enfin eu mon rendez-vous, manque de bol j’étais en mission.
Magnifique système.

Je quitte tout ça, sans regrets, avec grand soulagement. Je n’aurais pas pu continuer encore. Je me sens dévalorisée, dépréciée. Heureusement pour moi, j’ai des amis, un chéri, un entourage fort, et un mental à toute épreuve.
Je ne peux qu’imaginer la détresse de ceux qui sont isolés et vivent cette situations de cul entre deux chaises pendant des années durant.

Alors si un jour j’ai des enfants, au lieu de les pousser vers les études longues, au lieu de les laisser se faire farcir le choux par des professeurs qui vivent dans une époque disparue, je leur conseillerai des études courtes mais efficaces.

J’en profite au passage pour donner un gros fuck à tout les vieux bien placés dans des entreprises et qui te disent qu’un diplôme ne sert à rien et qu’on ne sait pas se débrouiller, “nous les jeunes”.
Le marché du travail à bien changé, on a 12% de chômage, et quand on a une licence, on passe après ceux qui ont un master pour un niveau licence. Du coup avec notre pauvre bac+3, on récupère les jobs des bac. Si j’avais pas ma licence, connard, je nettoierais des chiottes avec une brosse à dent en me faisant vociférer dessus par un patron qui sait pertinemment que je n’oserais pas moufeter avec le chômage qui sévit.
Oui à l’époque on évoluait sans diplôme. Non maintenant, même avec un diplôme on évolue pas en interne, il faut changer d’entreprise.

Je sais que je ne suis pas la seule dans cette situation, à me demander où je vais, comment je vais pouvoir un jour avoir mon chez moi, comment faire pour pouvoir manger, vivre. Comment sortir mon épingle du jeu, comment plus tard acheter ma petite maison, avoir mes poules au fond de mon jardin, accéder à mes envies.
Et bien la réponse, c’est que j’en sais fichtrement rien.

Je crois que c’est quand on est à un carrefour de sa vie qu’on se demande tout ça. Comme si ça allait tout changer.

Keep Hope.
Keep Fighting.

J’ai pas gagné la guerre, mais une bataille, c’est déjà un bon début.

10 Commentaires

  • Félicitations pour cette reconversion, et quelle reconversion ! ça donne l'eau à la bouche ! 🙂
    Dans la vie rien n'est jamais acquis ! Elle peut changer à tout moment ! C'est dans ces moments-là que j'ai l'impression d'avancer, de ne pas stagner ! Et cela nous ouvre souvent de nouvelles alternatives !
    Bon courage pour tes nouvelles études ! 🙂

  • je te souhaite beaucoup de bonheur dans ta nouvelle carrière! comme tu dis ce n'est pas rose en ce moment… moi-même j'ai récemment changé de carrière, ça fait très peur et puis après on se demande pourquoi on l'a pas fait avant 😉

    • Merci! 🙂
      Pour le coup, je n'ai vécu qu'une année de "travail" avec ma licence, je ne sais même pas si on peut parler d'une reconversion !
      Je l'espère, même si je suis heureuse d'avoir fait des études, ça ouvre l'esprit!

  • Tu m'a bien fait rire en tout cas ! Je me suis tellement reconnue dans ce que tu a écrit. J'ai aussi ma licence mais dans le commerce moi. J'ai fait un master 1 cette année et j'ai complétement abandonnée. J'ai fini mon année bien sur mais je ne pouvais pas supporter encore une année de plus tout ça pour validé un master 2 qui ne me sert à rien puisque je n'apprends plus rien d'intéressant. C'est quand tu rentre dans le système "je fais des hautes études" que tu t'en rend compte qu'en fait tout les ans tu réapprends exactement la même chose.
    Je pars en vacances la semaine prochaine et quand je rentre je serais officiellement au chômage. Et je stresse totalement de pas savoir quoi faire de ma vie. Oui parce qu'en plus je suis une grande indécise :p
    Je me dis que déjà si je trouve une boite en CDI et que je suis contente de me lever touts les matins, ce sera déjà ça de gagner.

    Mais bon je me dis que le monde du travail ne sera pas d'accord avec moi, mais comme tu dis : keep fighting !

    En tout cas l'essentiel pour toi c'est que tu fasse ce qui te plait. Apparemment la pâtisserie est une de tes passions, et dieu seul sait à quel point j'admire ceux qui réussissent à faire de leurs passion un métier !

    Je te souhaite bon courage en tout cas !!

    Bisous
    Roxane

    • Merci pour ton gentil message!!
      Je pense que tu n'es pas la seule dans ton cas, et je comprends très bien ce que tu entends par "apprendre tous les ans la même chose". C'est extrêmement frustrant et inutile!!
      Je pense que si tu en veux, tu réussiras à t'en sortir, le chômage est une drôle de bestiole qu'il faut apprendre à apprivoiser mais tu peux réussir :).

      Bon courage à toi Roxane !

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