Voilà bien longtemps qu’aucun article du genre n’avait été rédigé par ici, mais composer des photographies culinaires est devenu plus quotidien et j’ai forcément amélioré ma compétence en la matière. Un petit pas à pas me paraissait être le moyen le plus efficace pour vous parler de ma pratique pas très académique de la photographie culinaire.

Le sujet est tellement vaste que je vais forcément paraître vague, mais j’espère pouvoir publier fréquemment ce genre de retours d’expérience, j’ai cru comprendre que bon nombre d’entre-vous sont friands des backstages du blog (et moi aussi, chez les autres! :D).
J’ai choisi de prendre l’exemple de cette tarte façon sablé breton, pour vous partager mes réflexions (parfois spontanées), qui me passent par la tête pendant que je compose et prends des photographies culinaires.
Pour voir les légendes des photos passez la souris dessus pour les galeries notamment 😉

 

 

Composer des photographies culinaires

 

Dresser ses plats en conséquence

Une tarte peut être très structurée, complètement fouillis, gourmande, distinguée … Toute l’attention est portée sur le sujet, ou du moins, doit être attirée par lui, il est donc primordial de faire de ce sujet quelque chose de beau et appétissant.
Ca passe d’abord par le soin apporté à la confection, mais aussi par une mise en valeur des produits le composant, la découpe, le brillant etc …
J’ai eu envie d’un dressage très simple avec des fruits au hasard disposés sur le dessus, un faux ordre, harmonieux sur la disposition et les couleurs, qui donne une bonne base pour la photographie. Dans certains cas (la plupart même), il est intéressant d’apporter des contrastes de couleur, en utilisant des herbes fraîches ou des fleurs, des fruits …
Les fruits rouges sont parmi les sujets les plus esthétiques à mon sens car ils sont plein de vivacité et de rondeur ! Il est très facile de faire des photographies de fruits rouges appétissantes, alors qu’une soupe de chou fleur est beaucoup plus compliquée à magnifier et il faudra ruser avec des toppings et des prises à contre-jour pour révéler une texture.
Il faut donc penser plutôt en terme de présentation esthétique qu’en terme de “comment je mettrais ça dans mon assiette pour manger ce midi?”. En gros, on sublime les points forts, on masque les points faibles, et on obtient une présentation alléchante!

Reminder :

• Anticiper les points faibles et y remédier
• User et abuser d’herbes fraîches, de décorations comestibles et d’éléments créant du contraste.
• Mettre tout le soin du monde dans la présentation au moment de créer la recette

Choisir une ambiance pour sa photographie

Généralement, je sais quel plat je mets en scène, et surtout, l’ambiance que je veux lui donner : rustique, bonne franquette, gourmande, florale, fraîche, sombre, claire, dinstinguée …
Dans le cas de notre tarte, je souhaitais une ambiance fraîche, claire, qui met bien en valeur le coté estival.
Il est des codes assez admis au niveau visuel, et le blanc apporte une certaine fraîcheur. C’est aussi une “couleur” un peu piège car si on souhaite un vrai blanc qui ne tire ni sur le bleu, ni sur le jaune, ce n’est pas le plus simple (sacro saint balance des blancs)!
En accord avec cette ambiance souhaitée, j’ai choisi dans mes fonds à disposition (pas très riche en couleurs claires, je dois l’avouer!), celui qui m’apparaît le plus adéquate : des planches blanches récupérées aux encombrants.
On peut prendre un tout autre axe pour cette tarte, mais il vaut mieux définir d’avance ce qu’on veut obtenir pour réussir à créer une atmosphère réussie.

Reminder:

• Réfléchir à l’axe souhaité
• Vérifier la compatibilité avec le produit photographié
• Rester sur son idée jusqu’au bout, pour rester cohérent

Choisir la vaisselle et les objets de stylisme culinaire

Après avoir choisi l’ambiance, en ayant déjà son sujet, on peut faire plusieurs tests pour savoir quelle vaisselle ira le mieux. Au tout départ, j’ai eu envie d’utiliser un moule retourné en métal, mais je trouvais que ça tranchait vraiment trop avec le fond blanc et que ça détournait le regard de la tarte.
Plus généralement, je fais une micro sélection dans mes piles de vaisselle, et je fais des tests de compatibilité.
Une fois le support choisi (quand bien même dans le cas de verrine par exemple, le choix se fait en amont), on peut alors décliner l’ambiance du stylisme avec tout le reste des objets qui serviront de support au sujet et apporteront une richesse à la photo.
Il ne faut pas oublier un fil conducteur, que ce soit dans l’ambiance des objets choisis ou l’ambiance globale de la photo, pour que ce soit cohérent et qu’on ait le sentiment d’une histoire qui coule de source. Parce que c’est ça qu’on veut : une photo qui appelle un souvenir, une envie, une histoire gourmande. Si la photo n’est qu’un support, on peut inciter l’esprit à développer toute la trame autours : un contenu simple de lecture qui enclenche l’imagination.
Ici, j’ai choisi une vaisselle presque ton sur ton pour l’assiette, mais plate, pour pouvoir mettre en valeur l’épaisseur du sablé et sa texture. La serviette rose et le moule à tartelette donnent le sentiment d’une tarte qui vient d’être faite, toujours dans cette idée de fraîcheur qui va si bien avec la fragilité des fruits rouges. On en mangerait!
Avant même de chercher le support, il faut se demander quel est le point fort de gourmandise du sujet à photographier, et ce qu’on veut montrer. Il devient alors très simple de ne pas commettre de faux pas de stylisme en dissimulant la caractéristique qui fait de votre sujet ce qu’il est. Sauf bien sûr si c’est un parti pris !

Reminder :

• Dresser la liste des points forts du sujet
• Rester dans les rails de son ambiance
• Tester plusieurs sélections
• Réfléchir à la cohérence de chaque élément seul et dans l’histoire qu’on écrit
• Eviter de multiplier les couleurs ou tonalités

Mettre en scène

C’est le moment d’arranger tout ça. Au début, c’était vraiment difficile pour moi de passer de l’idée au rendu final, le temps passant on prend évidemment des réflexes esthétiques qui permettent de faire de moins en moins d’erreurs et d’obtenir des mises en scène efficaces et qui accrochent l’oeil.
Il existe plusieurs types de prises de vues selon l’angle qu’on donne à son appareil photo par rapport au sujet : de face, de coté, de dessus … Certains sont très connus, comme la vue du dessus ou “top view”.
J’essaye de varier les types de prises de vue à chaque séance pour comparer, parce qu’on peut toujours être surpris!
Ici l’exemple est en vue du dessus, parce que je trouve que c’est une de celles où la composition a intérêt à être la plus proprette pour bien rendre.
Même si chaque travail est différent, il existe des règles de composition, comme le fameux nombre d’or. L’idée est de dire qu’une image est coupée en zones et qu’il faut éviter de centrer complètement son sujet, mais plutôt de le faire apparaître aux intersections de droites traversant l’image. De fait on le fait assez spontanément parce que c’est plus agréable pour l’oeil.
De même, c’est une règle apprise en pâtisserie pour le décor d’entremets, mais il vaut mieux éviter les chiffres pairs : misez donc toujours sur des éléments en chiffres impairs, qui ont un meilleur impact visuel.

Reminder :

• Définir son type de prise de vue (souvent en fonction du sujet)
• Travailler l’harmonie de sa scène en fonction de son choix
• Se renseigner sur les règles de photographie simples et presque spontanées pour les comprendre vraiment

Jeu de lumière : une histoire de réflecteurs

La lumière naturelle est parfois capricieuse, et quoi qu’il arrive, elle est changeante. Un trépieds vous aidera à prendre des photos très nettes même en conditions lumineuses très défavorables.
Par contre, le vrai truc qui peut vous changer une photo, ce sont les réflecteurs de lumière. Aussi bien pour durcir des ombres en clair obscur, masquer la lumière, ou bien adoucir d’autres ombres, c’est un vrai coup de pouce!
Pas besoin d’investir forcément, du carton blanc ou noir jouera parfaitement ce rôle!

On arrive donc au résultat suivant :

1- J’ai donc mis mon sablé au milieu, pas très chouette pour le moment … Je prends soin de faire en sorte que les rails de mes planches soient bien parallèles au bord de l’image : c’est un détail mais ça peut vite vous rendre la vie difficile en retouche, et modifier toute l’harmonie d’une image.
2- Quelques fraises disposées et le moule rempli de fraises donnent une dynamique. J’ai pris soin d’en disposer 3, pas 4, ni 6, et pas trop pour ne pas parasiter mon dessert, qui est la star de ce shooting! J’ai aussi eu envie de déposer quelques feuilles sur le dessus de la tarte pour accentuer les contrastes avec le rouge.
3 –  L’image étant un peu froide et austère, j’ajoute du tissu. C’est un ingrédient photo très simple à trouver et qui permet de réchauffer une ambiance et de rendre la photo plus vivante à mes yeux. L’idée est l’évocation du repas de famille, des serviettes de table qu’on sort pour les belles occasions, dans un tissu léger (le lin) et un coloris frais.
4 – Comment manger son dessert sans cuillère? Ajouter quelques couverts aux photographies culinaire les rend tout de suite plus vivantes, comme si on allait passer à table, juste là …

Eventuellement la mise en scène peut encore bouger pendant le shooting, car il n’est pas rare que j’aie envie d’explorer d’autres pistes. Dans ce cas je modifie un peu la configuration en décentrant complètement, en changeant les objets de la mise en scène, en faisant évoluer cette dernière (en coupant le gâteau ou en croquant dans un biscuit …), ou bien, en changeant d’orientation (passer d’une vue du dessus à une vue de 3/4, ce qui oblige à reprendre toute l’harmonie de la mise en scène car l’angle change du tout au tout).

C’est très bateau, mais le premier conseil que je puisse avoir pour prendre de bonnes idées et réflexes, c’est d’aller regarder plein d’images qu’on aime et d’y apposer un regard critique. Pas juste de vous dire que c’est joli, mais vous demander pourquoi. Même si souvent la réponse n’est pas simple, il faut chercher au niveau des couleurs, de la composition, du matériel, du style de prise de vue … Et on construit petit à petit son propre style de photographie et ses préférences!
Je vous invite également à vous acheter des livres accessibles sur la photo si comme moi vous n’êtes pas des fanatiques de théorie, comme ceux dont je vous parlais dans mon article sur les livres d’Anne Laure Jacquart.
Alors évidemment, une bonne partie du stylisme culinaire repose aussi sur le matériel de stylisme, qui créée aussi une “patte” au fil du temps. On peut commencer avec peu de matériel et enrichir sa bibliothèque food de jolis objets au fil du temps (et des brocantes!).

En espérant que cet article vous ai intéressés, n’hésitez pas si vous avez des questions ou des apports à faire sur le sujet.

Big bisou

Délia ♥