Humeur

La force de la nature

Ce matin, mon voisin a trouvé que c’était une bonne idée de passer la balais à 7h30 dans les escaliers (on vit en communauté, donc chacun son tour on passe un coup quand ça commence à devenir la jungle). Il a presque eu l’air surpris de me voir débarquer, chignon hirsute, pyjama hello kitty dépareillé avec un bas à fleurs etam, pieds nus et la bave au coin de la bouche. Rip ma dignité mais dans ces cas là, c’est pas ce qui m’importe.
Après une brève explication sur le fait que ma chambre longe le couloir pendant laquelle j’ai réussi à ne pas être impolie ou désagréable malgré mon réveil fanfaronneux, je me retrouve, 7h30, au taquet dans mon salon. Le doudou parti, je me dis que je veux des Myrtilles de Gally.

C’est un peu le hasard, quand tu pars tu sais jamais ce qui sera à l’affiche de l’entrée. La loterie.
A mon grand bonheur ils disent que les tomates sont arrivées. Après un bref coup d’oeil je ne vois pas mes Myrtilles mais tant pis, je suis avec mes barquettes vides et bien décidée à les remplir. C’est toujours plus agréable qu’auchan ou biocoop.
Le vent est doux, le soleil timide mais bien présent. Je suis seule dans les champs, avec le bruit lointain des voitures, l’odeur de la terre humide, et les arroseurs automatiques et le tchik tchik régulier qu’ils instaurent. Hypnotique. Magique.
On y pense rarement mais la solitude déconnectée de tout est un bien précieux. Je m’époumone de l’odeur terreuse qui m’entourre et de l’absence d’humains.
Je croise au détour d’un champs d’aubergines dodues deux petits vieux qui me saluent sans parler, eux aussi épris de la beauté du silence et de l’abondance de la nature.
C’est la semaine, les champs regorgent de victuailles, je me sens aussi chanceuse que Robinson quand il a du tomber sur sa première noix de coco. Les légumes sont de premier choix. Les aubergines brillent de leur jolie couleur prune sous les rayons chatoyants du soleil du matin.
Je me pique les doigts en les cueillant mais je prends le temps de la regarder avec amour et sans rancune avant de la poser dans mon panier cartonné. Il est si joli avec sa anse.
Ma quête continue avec quelques carottes et betteraves que je retire du sol. Elles sont toutes chaudes, leur fânes sont fraîches et verdoyantes. Je suis heureuse.

Ma cueillette devient lourde, je prends une brouette et me voilà partie à l’autre bout du monde de gally pour ramasser mes tomates. Seule sous les serres, je prends mon temps et sens chaque branche, inspecte chaque fruit, pour trouver les plus beaux à mes yeux.
Les tomates anciennes sont les plus jolies : elles sont toutes uniques et bien plus savoureuses. J’aime leur imperfection qui les rend si parfaites. Je suis au summum de la reconnexion. Je me sens une avec toute cette vie autours de moi. Ma brouette n’attends plus que quelques Myrtilles et je rentrerai, c’est promis. Mais pas maintenant.

Sous les serres, je pénètre dans un nouveau monde. Je n’entends plus que le bruit de mes pas dans l’herbe jaunie par la chaleur. Les baies sont bien noires et pleines de toiles d’araignées. Ca ne me dérange pas, après tout c’est moi qui suis chez elles, pas l’inverse.
Je repars avec ma brouette décidément très lourde en passant devant la rhubarbe ; quelques branches rejoignent le reste de la cueillette, j’en ferai une mini pie avec ce qu’il me reste d’un rouleau de pâte feuilletée.
Des gens sont arrivés pendant tout ce temps (plus d’une heure finalement). Je retrouve le bruit, les enfants qui crient, les sacs plastiques.
Fin de la parenthèse. Mes fraises se sont écrasées mais ce n’est pas grave, j’en ferai un joli fraisier dès ce soir, elles n’auront pas le temps de se perdre. Elles sentent si bon dans mon petit sac en papier récupéré de mes courses au magasin bio.
En rangeant ma brouette après avoir tout rapporté dans mon coffre, je me sens là où je dois être. Exactement là où je dois être. J’ai vécu une heure, seule, avec le soleil, ma brouette et la terre.

Maintenant je suis chez moi, j’ai tout étalé pour faire une jolie photo, ça sent la fraise et la terre. J’ai ramené un peu de magie chez moi. Et après je vais la manger.

Je suis comme les belles tomates que j’ai ramassé : gorgée de soleil et pleine de la vie que j’ai respiré aux détours des allées.

Je me sens belle et forte, je suis habillée d’un vieux jean troué à l’entrejambe, de chaussures à 5€ du marché de Trappes, affublée du même chignon que pour le voisin ce matin à 7h30, tâchée de vert d’herbe, et pas maquillée. Mais je suis belle et forte.

La force de la nature, c’est moi. C’est toi, c’est nous.
Délia ♥ Qui avait envie de raconter que la nature la ferait presque chialer de bonheur (et qui s’est dit que du coup raconter ce petit moment de vie ce serait un peu comme le partager tout en le gardant pour soi)

7 Commentaires

  • Coucou Delia,
    Tu es définitivement une merveilleuse conteuse et je suis dingue de ta plume. Je n'ai pas le souvenir d'en avoir déjà parlé avec toi, mais je suis fan de Zola. J'ai lu l'intégralité de son œuvre plusieurs fois, et parfois certaines de tes tournures me rappellent ses mots.
    Cet article m'aurait presque fait verser une larme à moi aussi.
    Ne change rien Délia, tu es parfaite. ♥
    Des bisous.
    Lili.

    • Coucou Lili ! 🙂
      Rhoo et moi qui me disais que c'était assez terre à terre ma façon d'écrire et qui ai hésite avant de publier l'article!
      C'est un très beau compliment, d'autant que "au bonheur des dames" figure parmi mes romans préférés de tous les temps !! Merci merci!
      J'espère que c'est juste une larme d'émoi.
      Trop de gentils mots, je vais me cacher dans un trou ♥
      Mille mercis, de tout mon coeur!

  • Ouais, les voisins ont parfois de très bonnes idées très tôt le matin. Moi, ce que j'adore c'est le bricolage quand tu dors encore!
    J'adore comment tu parles de la nature, de ton émerveillement face à elle. A la maison, mes parents ont fait un potager et pratiquement tous les jours je vais voir où s'en est. Y a des salades, des brèdes, des tomates, des bringelles, des chouchou. C'est un plaisir de planter et de cueillir ce qu'on a fait soi-même. Les mangues sauvages commencent à sortir aussi; les letchi commencent à être en fleur pour la fin de l'année. Miam, ça promet!
    Très chouette article en tout cas!

    Bises++

    • Haha, j'ai beaucoup d'exemples que je pourrais faire figurer au top 100 des meilleures idées pour réveiller ses voisins mais je ne suis pas certaine que ce serait super intéressant de les lister. Le bricolage fait partie du top 10, cependant ;D!!
      Je ne connais pas les brèdes ni les bringelles et imaginer tout cet exotisme me fait voyager, j'aimerais beaucoup voir ton potager!!
      Merci beaucoup pour ton petit mot, je crois que plus j'y serai sensible et plus je serai émerveillée, alors on n'a pas fini 🙂 !

      Plein de bisous (ici ça ressemble à l'automne aujourd'hui!) :-*

    • Lol!
      Alors, les bringelles ce sont des aubergines mais nous on appelle ça des bringelles. Les brédes c'est des légumes qu'on fait en accompagnement au carry soit en fricassé ( frit avec de l'ail du gingembre et de l'huile) ou en bouillon ( idem).
      Voilà ce que je te propose, dans la semaine je t'enverrai des photos du potager comme ça tu pourras voir ce qu'il en est.

      Bises et bonne semaine à toi

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